Mines Saint-Étienne et la microélectronique de demain

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La microélectronique est partout : dans nos portables, appareils photos, objets connectés. Où sera-t-elle demain ?

Dans le cadre du bicentenaire de Mines Saint-Étienne, le centre de recherche de l’école dédié à la microélectronique (CMP) organise un colloque sur ce sujet le 10 juin prochain. Localisé à Gardanne, entre Marseille et Aix-en-Provence, le CMP recevra des experts internationaux du domaine, tels John Rodgers ou Takao Someya. Ils viendront présenter leurs travaux et les perspectives de la discipline aux chercheurs provençaux spécialistes de la microélectronique. L’occasion de revenir sur les grands axes de recherche en microélectronique des scientifiques du CMP.

 

Vous ne la voyez pas, mais pourtant elle est bien là. Si, juste ici, derrière votre écran ! Et probablement là aussi, sur votre bureau ou dans votre poche. En fait, la microélectronique est un peu partout autour de vous. Dans les téléphones portables et ordinateurs, dans les puces RFID qui permettent le suivi de certains produits que vous achetez en magasin. Elle est encore présente dans les bracelets connectés qui mesurent vos activités quotidiennes. Et où sera-t-elle demain ? Dans vos vêtements ? Probablement. Sous votre peau ? Peut-être. C’est pour identifier les grands axes de développement de ces technologies que le centre microélectronique de Provence (CMP) de Mines Saint-Étienne (situé à Gardanne) organise un colloque international sur le sujet le 10 juin.

 

La bioélectronique pour augmenter le vivant

Il y sera notamment question de bioélectronique, un sujet dans lequel les chercheurs du CMP explorent les relations entre le vivant et l’électronique. « Les grands objectifs derrière le développement de ce domaine sont d’améliorer les diagnostics et d’augmenter l’humain » résume Philippe Lalevée, chercheur à Mines Saint-Étienne et directeur du CMP. Une des équipes du département bioélectronique travaille sur le couplage entre composants électroniques et cultures cellulaires. Menée par Róisín Owens, cette recherche permet d’analyser les réactions des cellules face à un agent pathogène, ou de modéliser le vivant pour limiter les tests sur les animaux.

Les chercheurs s’attardent également sur l’épilepsie, en développant des électrodes biocompatibles capables d’observer l’activité cérébrale en étant le moins intrusives possible. Ces travaux ont permis d’obtenir des résultats importants, couronnés par des publications dans Nature Communication. « Nous n’observons pas que le cerveau, poursuit Philippe Lalevée, puisque les textiles connectés permettent aussi d’améliorer la surveillance de nombreux paramètres biologiques, comme le rythme cardiaque ». En cas de dysfonctionnement cardiaque, les symptômes ressentis par la victime surviennent souvent tard. Les anticiper est donc un véritable challenge. En octobre dernier, Esma Ismailova et son équipe publiaient ainsi un article dans Nature Scientific Reports, partageant une technique d’élaboration d’électrodes textiles performantes à partir de polymères conducteurs.

 

La souplesse, une caractéristique des capteurs du futur

Si les capteurs biocompatibles représentent un gros enjeu de développement du secteur de la microélectronique, ils n’éclipsent pas pour autant l’électronique classique. Accéléromètres et sondes diverses sont toujours autant demandés, en particulier depuis l’essor de l’internet des objets. De ce point de vue, un deuxième département du CMP se concentre sur les matériaux électroniques souples, utilisables sur des supports déformables ou étirables. La conception de tels dispositifs demande des techniques de fabrication avancées, sur lesquelles les chercheurs de Gardanne font valoir leur expertise. « Nous avons un brevet sur une encre cuivre conçue pour imprimer de tels capteurs souples. En déposant des gouttes de cette encre sur un support, notre technologie leur permettra de s’agglutiner pour former un circuit » explique Philippe Lalevée. Autre technique explorée pour l’élaboration ? La photolithographie, dont le chercheur précise le fonctionnement : « Nous plaçons une résine photosensible sur le circuit puis un masque, image du circuit. Nous exposons ensuite cela à la lumière qui éliminera la résine non recouverte par le masque. À la suite, des solvants permettront d’éliminer la couche non protégée par la résine. »

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Au-delà de la mise au point, les scientifiques de ce département s’attardent sur tous les aspects connexes à l’acquisition de données par les capteurs. Le transport de celles-ci est aussi exploré, tout comme la fiabilité des matériaux mis au point. L’ensemble de ces travaux sur les senseurs souples sont menés en partenariat avec STMicroelectronics ou Gemalto. Les industriels sont ainsi preneurs de ces nouvelles générations de produits performants, aboutissant à de nouvelles générations de puces RFID par exemple.

 

L'amélioration des puces RFID et la réduction de leur coût séduit de plus en plus d'entreprises. Grâce à cette technologie, les produits sont mieux suivis tout au long de la chaîne logistique.

L’amélioration des puces RFID et la réduction de leur coût séduisent de plus en plus d’entreprises. Grâce à cette technologie, les produits sont mieux suivis tout au long de la chaîne logistique.

 

La RFID et la microélectronique logistique

Ces capteurs sont en effet au cœur du suivi des produits tout au long de leur chaîne logistique — qui comprend la production, l’acheminement et la distribution. La problématique intéresse les équipes d’un troisième département du CMP, dédié à la science de la fabrication et à la gestion de production. « L’un de nos thèmes sur ce sujet est lié à l’ingénierie de la santé, qui nécessite des opérations dans des conditions extrêmes. Comment alors assurer la traçabilité de marchandises dans ce cas ? » interroge Philippe Lalevée. Illustration des projets menés pour répondre à cette question : les chercheurs de Gardanne ont travaillé en collaboration avec l’institut Paoli-Calmettes en charge d’une banque de cellules cancéreuses. Une fois les échantillons biologiques prélevés, ils sont conservés dans l’azote liquide à – 196 °C. À cette température, les capteurs RFID peuvent-ils être utilisés pour assurer la traçabilité ? « Pour l’instant nous n’y arrivons pas, regrette le chercheur, mais nous arrivons à activer un capteur RFID passif lorsqu’il revient à température ambiante ».

Plus généralement, le département s’interroge sur l’apport des nouvelles technologies pour améliorer les processus logistiques. Une collaboration est menée avec la SNCF afin d’optimiser l’acheminement du fret. De même, le port de Marseille est intéressé par ce genre de travaux d’optimisation de l’organisation grâce à des capteurs. Mais pour cela il est nécessaire de savoir échantillonner les données extraites. Il faut donc employer des techniques d’analyse statistique. Là encore, les chercheurs ne restent donc pas centrés uniquement sur l’aspect fabrication, mais élargissent leurs compétences au traitement et à l’analyse des données.

 

Capteurs microélectroniques, quelle vulnérabilité ?

La multiplication des applications des capteurs microélectroniques doit néanmoins être tempérée. Ces travaux n’ont en effet de sens que parce que les recherches en sécurité des circuits progressent en parallèle. Philippe Lalevée est explicite : « Vous pouvez avoir tous les niveaux de sécurité logicielle que vous désirez, mais en fin de compte, c’est le maillon le plus faible qui détermine la sécurité de l’ensemble ». Comprenez qu’un capteur sans barrière face aux attaques peut compromettre tout le système dans lequel il est embarqué. Or des individus malveillants sont capables de trouver des clés de sécurité à partir du son, de la chaleur ou de la consommation d’une puce en fonctionnement. Pour s’en défendre, les chercheurs identifient les types d’attaque et essaient de moyenner les consommations ou les émissions des appareils afin de donner le moins d’information possible. Ils collaborent avec le CEA Tech pour faire avancer ce domaine surveillé avec attention par le secteur bancaire.

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Les travaux en sécurité matérielle, responsabilité du quatrième et dernier département du CMP, sont ainsi tout autant essentiels que les précédents et renforcent les recherches des autres équipes. Philippe Lalevée rappelle d’ailleurs en guise de conclusion que les collaborations sont nombreuses entre chaque thématique. Ainsi, il est clair que les travaux en bioélectronique et sur les matériaux souples se complètent lorsqu’il s’agit d’explorer le quantified self. De même, la logistique bénéficie des progrès réalisés en matière de nouvelles générations d’appareils microélectroniques. C’est donc tout un écosystème d’innovation et d’enrichissement mutuel que constitue le CMP, avec un seul objectif : le développement de la microélectronique de demain.

 

 

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Les colloques du bicentenaire

 

Dans le cadre du bicentenaire de Mines Saint-Étienne, chaque centre de recherche et d’enseignement de l’école propose un colloque ou un temps d’échanges spécifiques sur un sujet d’actualité et sur des perspectives d’avenir. Bien que ces colloques soient destinés à un public scientifique, certains proposent une conférence grand public associée.

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