Quèsaco un écomatériau ?

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Des bétons écologiques ? Deux exemples avec un béton réalisé à partir de chaux et de chanvre (à gauche) et un autre à partir de chaux et de balle de riz (à droite).

Réduire l’empreinte environnementale des constructions humaines est un des grands enjeux de la transition écologique. Pour y parvenir, l’utilisation d’écomatériaux est un passage nécessaire. Gwenn Le Saout, chercheur en matériaux à IMT Mines Alès, nous détaille ce que sont ces matériaux, leurs avantages et les contraintes qui demeurent pour une utilisation à grande échelle.

 

Comment définiriez-vous un écomatériau ?

Gwenn Le Saout : Un écomatériau est une alternative à un matériau traditionnel pour un usage spécifique. Il a la particularité d’avoir un impact environnemental plus faible que le matériau qu’il remplace, tout en conservant des propriétés semblables, notamment en matière de durabilité. Les écomatériaux sont utilisés dans une démarche générale d’écoconstruction qui vise à réduire l’empreinte environnementale des ouvrages.

Pouvez-vous donner un exemple d’écomatériau ?

GLS : Les ciments ont une empreinte CO2 importante. Des écomatériaux cimentaires sont donc développés dans lesquels on substitue une partie du ciment par des laitiers de hauts fourneaux. Les laitiers sont des coproduits des procédés sidérurgiques qui apparaissent au-dessus d’un métal lorsqu’il entre en fusion. Il est d’ailleurs amusant de voir qu’on parle aujourd’hui de « coproduits » alors que les laitiers étaient considérés auparavant comme des déchets ! Cela prouve qu’il y a un intérêt croissant autour de leur récupération, en partie pour l’industrie cimentaire.

Le béton étant l’un des principaux matériaux de construction, existe-t-il des écobétons ?

GLS : Les écobétons constituent un gros enjeu pour l’écoconstruction, et de nombreux travaux sont menés sur le plan scientifique pour supporter leur développement. Pour produire un béton, il faut notamment des granulats — le plus souvent du sable issu de l’exploitation de carrières. Ces granulats naturels peuvent être remplacés par des granulats issus de bétons de démolition et récupérés dans une démarche de réutilisation. Une autre possibilité pour réaliser des écobétons est d’utiliser de la terre crue. Cela n’a rien de révolutionnaire, mais ce procédé revient à la mode dans un contexte de prise de conscience de l’empreinte environnementale des matériaux.

Tous les matériaux ont-ils vocation à être remplacés par des écomatériaux ?

GLS : Non, le but des écomatériaux n’est pas de remplacer tous les matériaux existants. Il s’agit plutôt de cibler des usages pour lesquels des matériaux à plus faible impact environnemental peuvent être utilisés. Par exemple, il est tout à fait possible de construire une maison avec un béton utilisant des granulats de démolition. Pour construire un pont en revanche, ce n’est pas un choix judicieux, car les propriétés ne sont pas tout à fait les mêmes, et les connaissances non plus.

Quelles sont justement les limites aux écomatériaux ?

GLS : Le point-clé est la durabilité. Pour les bétons ou les matériaux traditionnels, les industriels ont un retour d’expérience de plusieurs décennies. Pour les écomatériaux, et en particulier les écobétons, les connaissances sur leur durabilité sont moindres. Il y a de nombreuses questions sur leur comportement dans le temps. C’est là qu’est tout l’enjeu de recherche : trouver des formulations qui permettent d’assurer un bon comportement au long terme, et caractériser des écomatériaux existants pour prédire leur durabilité. À l’Institut du génie civil (IGC), nous avons ainsi travaillé sur le projet national RECYBETON entre 2014 et 2016 qui associait Lafarge-Holcim, et nous avions pu proposer des démonstrateurs pour l’utilisation de granulats recyclés.

Comment convaincre les industriels de passer à des écomatériaux ?

GLS : Le principal avantage est économique. Le transport des matériaux de démolition coûte cher, et leur stockage aussi. En centre-ville, réutiliser des matériaux de démolition pour la construction de nouveaux bâtiments représente donc une opportunité puisque cela permettrait de s’affranchir des coûts de transport et de stockage. Là encore, nous avons participé au projet ANR ECOREB avec l’IGC sur ce sujet pour trouver des solutions de recyclage des bétons. Et puis il faut tout de même dire que des obligations de réutilisation des matériaux sont fixées par l’Europe. 70 % des déchets de démolition doivent être valorisés. Passer à des écomatériaux à partir des produits de démolition est donc une façon de répondre à cette directive pour les entreprises.

 

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L’institut du génie civil se consacre aux écomatériaux

Le 15 mars 2018, l’Institut du génie civil (IGC) organise son premier colloque. Créé le 11 avril 2017, il rassemble IMT Mines Alès et IMT Lille Douai pour la recherche sur la structure et l’enveloppe des constructions. Le colloque permettra de présenter les axes de recherche de l’IGC, organisés autour des écomatériaux et en particulier des écobétons. Les travaux de recherche doivent permettre de répondre à un enjeu de connaissance croissant autour des nouvelles combinaisons d’écomatériaux qui voient le jour pour la construction.

En savoir + sur le colloque de l’IGC.

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