La fabrication additive peut-elle devenir le futur de l’industrie plastique ?

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Petite révolution dans le monde des matériaux, l’impression 3D a prouvé son potentiel d’innovation. Reste à le concrétiser. Car si les imprimantes 3D se multiplient dans les ateliers de prototypage, elles peinent à prendre la place des anciens procédés de l’industrie plastique. La faute à des technologies trop limitantes sur les matériaux disponibles, et à des performances encore faibles pour des pièces à usage spécifique.

 

Tribune rédigée par Jérémie Soulestin, chercheur à IMT Lille Douai.

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[dropcap]L[/dropcap]es polymères représentent aujourd’hui la grande majorité des matériaux utilisés en impression 3D, tous usages confondus. Pourtant, l’utilisation de la fabrication additive pour des besoins industriels reste essentiellement basée sur des matériaux métalliques. Chez les professionnels, l’utilisation de polymères se cantonne à la réalisation de prototypes. Cette réticence à coupler impression 3D et matière plastique à l’échelle industrielle s’explique par une faible diversité des matériaux polymères compatibles avec ce procédé. Les technologies les plus répandues, comme la stéréolithographie, reposent sur des résines thermodurcissables, qui polymérisent durant le processus. Or ces résines ne représentent qu’une faible part des matériaux polymères exploités par l’industrie plastique. La technique de dépôt de fil fondu (fused deposition modeling en anglais, ou FDM) est un peu plus adaptée. Elle se base sur des polymères thermoplastiques, ramollis par chauffage durant le procédé, puis durcis lors du retour à température ambiante. Cette différence technique permet d’utiliser des matériaux plus répandus dans l’industrie plastique, et donc plus compatibles avec la demande du marché.

La technologie FDM a été imaginée en 1989 par Scott Crump, fondateur de Stratasys, qui compte aujourd’hui parmi les gros fabricants d’imprimantes 3D. Le procédé est très simple. Son principe consiste à alimenter la machine avec un filament fait de polymère thermoplastique. Celui-ci est poussé au travers d’une buse chauffée pour produire un fil malléable de quelques micromètres de diamètre. La pièce en 3D est obtenue par le dépôt continu de ce fil, couche par couche, réalisé en faisant bouger la buse, le plateau de l’imprimante, ou les deux, dans toutes les directions de l’espace. La simplicité du procédé FDM, couplée à l’expiration d’un brevet de Stratasys sur la technologie, a permis une croissance exponentielle des imprimantes 3D de bureau. Ces machines de petite taille s’adressent essentiellement au grand public et à la communauté des makers mais ont aussi trouvé leur place dans les bureaux d’études ou les fablabs d’entreprises. Les prix vont de 200 € pour les imprimantes 3D visant à faire découvrir la fabrication additive aux moins initiés, à plus de 2 000 € pour des imprimantes 3D de bureau destinées à créer des prototypes.

La technologie FDM : un espoir à concrétiser

Toutefois, si le procédé FDM est probablement le plus intéressant pour la production de petites séries de pièces plastiques, il ne suffit pas à satisfaire les besoins de l’industrie plastique de façon miraculeuse. Même en ayant recours à des machines professionnelles bien plus coûteuses que les imprimantes 3D de bureau, la limitation sur les polymères thermoplastiques disponibles limite le potentiel d’application de la FDM. La philosophie des constructeurs de machines FDM repose encore souvent, en particulier pour les machines professionnelles, sur l’utilisation de matériaux propriétaires. Autrement dit : avec une telle imprimante, seuls les polymères commercialisés par la marque ou par ses partenaires sont compatibles. Le paramétrage du procédé est fait pour assurer la qualité des pièces réalisées à partir des matériaux propriétaires. Peu de contrôle est laissé à l’utilisateur pour modifier les réglages et pouvoir utiliser d’autres matières. Même si certaines marques offrent un large choix de matériaux, avec des caractéristiques variées (durs, mous, translucides, résistants chimiquement, biocompatibles…), il reste tout de même restreint à quelques polymères thermoplastiques. La multiplication des fournisseurs de filaments pour imprimante 3D ne suffit toujours pas aujourd’hui à pallier les manques dans le catalogue des matériaux utilisables. Pour des applications industrielles spécifiques, et notamment dans les cas de pièces hautes performances comme des pièces de voitures ou d’avions, ou même pour des applications moins techniques, les professionnels n’y trouvent pas leur compte. La raison pour laquelle des milliers de plastiques différents existent est sans aucun doute liée au fait que chaque application demande des propriétés particulières.

De plus, le procédé FDM lui-même comporte quelques problèmes intrinsèques. En général, la porosité et la rugosité en surface des pièces obtenues par FDM sont plus élevées que pour celles réalisées avec des procédés classiques comme l’extrusion ou l’injection. Cela est dû au dépôt couche par couche des fils. Parce qu’ils ont une forme cylindrique, un espace se crée entre deux fils posés côté à côte. En surface, la pièce n’est donc pas lisse, et à l’intérieur elle comporte des cavités. La porosité peut être contrôlée en appliquant de fortes pressions sur le matériau pendant le dépôt du fil. Les cylindres sont alors comprimés et laissent moins d’espace. Mais cela n’est pas forcément suffisant pour qu’une pièce haute performance satisfasse son cahier des charges. De plus, cela ne résout pas la rugosité en surface, puisqu’aucune couche ne peut être comprimée par-dessus. Reste l’idée de diminuer le diamètre des cylindres, donc de la buse de sortie du filament, réduisant alors le débit de matière, et donc le temps de production.

D’autres technologies prometteuses

Ces limites de la FDM pourraient sans doute être résolues avec des machines basées non pas sur des filaments, mais sur des granulés de polymères. Des fabricants font des pas dans cette direction et permettent, en théorie, d’utiliser des granulés de n’importe quels polymères thermoplastiques. C’est le cas notamment, du Freeformer commercialisé par Arburg, spécialiste allemand de l’injection. Cette technologie est basée sur deux unités d’injection pouvant fondre les granulés de polymères. Cela permet de créer des pièces demandant à la fois des matériaux durs et souples, ou d’utiliser des matériaux solubles. Le polymère fondu est déposé sous la forme de gouttelettes pour construire la pièce, et non de fils cylindriques. En ce sens, le procédé diffère quelque peu de la technologie FDM, mais son principe reste sensiblement le même, et permet de bien mieux répondre à la demande de l’industrie plastique. En revanche, des opérations de recherche et développement sont encore nécessaires pour mieux comprendre les possibilités de ce nouveau procédé, et accéder à son plein potentiel.

Des futures avancées des technologies d’impression 3D dépendra l’utilisation de la fabrication additive pour la production de grandes séries. Pour l’instant, elle n’est pas adaptée à la plupart des applications qui demandent de bonnes performances mécaniques, mais cela pourrait changer. L’aéronautique est un bon exemple des challenges qui attendent les technologies de fabrication additive. Si les pièces des avions sont encore réalisées avec des matériaux et procédés classiques, les constructeurs ont de plus en plus recours aux matériaux composites. Or les composites sont produits avec des techniques qui rappellent l’impression 3D. Les coupler avec des technologies proches de la FDM sur des bras robotisés présente ainsi un gros avantage pour améliorer les performances des pièces obtenues par fabrication additive. Si de telles hybridations démontraient leur efficacité, les performances des pièces imprimées en 3D pourraient nettement augmenter. Il serait alors possible de voir des pièces structurelles d’avions produites par fabrication additive, et plus seulement leurs prototypes.

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