Quèsaco la tribologie ?

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La science du frottement : c’est ainsi que se définit la tribologie. Point de convergence de plusieurs disciplines, la tribologie est un champ d’étude important pour la production industrielle. Loin d’être trivial, le frottement est un phénomène particulièrement complexe. Christine Boher, tribologue à IMT Mines Albi[1], nous présente ce sujet.

 

Qu’est-ce que la tribologie étudie ?

Christine Boher : L’objectif de la tribologie est de comprendre ce qui se passe au niveau de la surface de contact de deux matériaux lors du frottement — ou « mouvement relatif » tel que nous disons. La notion de frottement est connue de tous car se frotter les mains pour se réchauffer c’est du frottement, jouer de la guitare, faire du ski, freiner, huiler des machines… c’est aussi du frottement. Tout frottement induit des forces qui s’opposent au mouvement, et produit des endommagements. Nous cherchons à les comprendre en étudiant comment ils se manifestent, et les conséquences qu’ils ont sur le comportement des matériaux. La tribologie est donc la science du frottement, de l’usure et de la lubrification. Ce phénomène, l’usure, paraît d’une banalité affligeante, mais dès lors que l’on s’y intéresse, on se rend compte de toute sa complexité !

Quelles sont les expertises scientifiques mises à contribution dans cette discipline ?

CB : C’est une multiscience, car elle implique plein de disciplines. Un tribologue peut être un chercheur spécialiste de la mécanique du solide, de la mécanique des fluides, des matériaux, du comportement vibratoire… La tribologie est la conjonction de tous ces champs disciplinaires, et c’est ce qui fait sa complexité. Personnellement, je suis spécialisée en sciences des matériaux.

Pourquoi le frottement est-il si intéressant ?

CB : Il faut déjà comprendre ce que sollicite le frottement dans un contact. Même si cela paraît intuitif, lorsque deux matériaux frottent, beaucoup de phénomènes se produisent : la température de surface augmente, le comportement mécanique des deux pièces est modifié, des particules d’usure se créent ce qui a un impact sur l’accommodation de la charge et de la vitesse de glissement… Il en résulte l’apparition de propriétés des matériaux qui ne se seraient pas déclarées sans frottement. La tribologie est un aller-retour perpétuel entre les aspects macrométriques et micrométriques des surfaces des matériaux en contact.

Comment le comportement d’un matériau est-il modifié par l’action de frottement ?

CB : Prenons par exemple les particules d’usure générées lors du frottement. À mesure qu’elles sont émises, elles peuvent diminuer la résistance au frottement entre les deux corps. Elles jouent alors le rôle de lubrifiant solide, et dans la majorité des cas elles ont un effet plutôt utile que l’on souhaite favoriser. En revanche, il peut arriver que les particules endommagent les matériaux car trop dures. Dans ce cas-là, elles vont plutôt accélérer l’usure. Les tribologues vont donc chercher à modéliser comment, lors d’un frottement, ces particules sont émises, et dans quelles conditions elles sont produites en quantité optimale.

Une autre illustration est la montée en température des pièces. Sur certains frottements à grande vitesse, la température des matériaux peut passer de 20 °C à 700 °C en quelques minutes. Les propriétés mécaniques du matériau sont alors complètement différentes.

Pouvez-vous illustrer un cas d’application de la tribologie ?

CB : Prenons l’exemple des cylindres de laminoir, qui sont des outils de grandes dimensions destinés à produire des tôles par réductions successives d’épaisseur. Il existe un adage dans la discipline disant « sans frottement, pas de laminage ». Si des problèmes surviennent lors du frottement, c’est-à-dire s’il y a des problèmes de contact entre la surface des tôles et celles des cylindres, les tôles vont être dégradées. Pour l’automobile, cela implique des tôles de carrosserie abîmées dès la phase de production par une remise en question de l’intégrité de la surface. Pour éviter cela, nous travaillons -avec les industriels impliqués- soit sur de nouveaux alliages métallurgiques, soit sur de nouveaux revêtements à mettre sur les cylindres de laminoir. Le but du revêtement est de protéger le matériau de l’usure et de retarder, autant que faire se peut, la ruine des surfaces de travail.

Qui sont les principaux bénéficiaires de la recherche en tribologie ?

CB : Nous travaillons avec des industriels de la mise en forme, comme ArcelorMittal, ou Aubert & Duval. Nous avons aussi des partenariats avec des entreprises du secteur aéronautique, tels que Ratier Figeac. Généralement, ce sont les grands groupes ou des sous-traitants de groupes industriels importants qui nous sollicitent car leur problématique est d’augmenter la cadence, et c’est là que la performance liée au frottement devient importante.

 

[1] Christine Boher est chercheuse à l’Institut Clément Ader, unité mixte de recherche IMT Mines Albi / CNRS / INSA Toulouse / ISAE Supaero / Université Toulouse III Paul Sabatier / Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées.

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