Une pile à combustible alimentée avec de l’hydrogène est une technologie dite propre, car elle n’émet pas de dioxyde de carbone. Dans le cadre de la transition énergétique qui vise à transformer nos modes de consommation et de production d’énergie, la PAC a donc son rôle à jouer. Quid des technologies, applications et perspectives avec Christian Beauger, chercheur spécialisé en sciences des matériaux à Mines ParisTech.

Comment fonctionne une pile à combustible ?

Christian Beauger : Une pile à combustible produit de l’électricité et de la chaleur à partir d’hydrogène et d’oxygène réagissant au cœur du système, au sein de cellules électrochimiques. À l’anode, l’hydrogène est oxydé en protons et en électrons — à l’origine du courant électrique — tandis qu’à la cathode, l’oxygène réagit avec les protons et les électrons pour former de l’eau. Ces deux électrodes sont séparées par un électrolyte, étanche aux gaz et isolant électronique. Conducteur ionique, il assure le transfert des protons de l’anode à la cathode. Pour construire une pile, il faut assembler plusieurs cellules en série (stack). De leur nombre, dépend la tension nominale. Leur taille conditionne la valeur maximale du courant produit. Le dimensionnement du stack (taille et nombre de cellules) dépend de l’usage qui sera fait du dispositif.

Au sein du stack, les cellules sont séparées par des plaques bipolaires. Leur rôle est d’alimenter chaque cellule en gaz, de conduire les électrons d’une électrode à l’autre et de refroidir le système. En effet, une PAC produit autant d’électricité que de chaleur et la température d’utilisation est limitée par les matériaux utilisés, différents selon les types de piles.

Enfin, ce système doit être alimenté en gaz. Comme le dihydrogène n’existe pas à l’état naturel, il faut le produire et le stocker au sein de réservoirs sous pression. L’oxygène utilisé est, quant à lui, celui de l’air, fourni à la pile à l’aide d’un compresseur.

Qu’est-ce qui différencie une pile à combustible d’une batterie ?

CB : La différence principale entre les deux est dans leur conception. Une batterie est une technologie tout-en-un dont la taille dépend à la fois de la puissance et de l’autonomie souhaitée (énergie stockée). Au contraire, dans une pile à combustible, les aspects puissance et énergie sont séparés. L’énergie disponible dépend de la quantité d’hydrogène embarquée, souvent stockée dans un réservoir. Donc une pile à combustible a des niveaux d’autonomie très variables en fonction de la taille des réservoirs. La puissance est quant à elle liée à la taille de la pile. Les temps de recharge sont aussi très différents. On fait le plein d’un véhicule à hydrogène en quelques minutes contre généralement plusieurs heures pour une batterie.

Quels sont les différents types de piles à combustible ?

CB : Il existe cinq types de piles majeures différenciées selon la nature de leur électrolyte. Les piles alcalines utilisent un électrolyte liquide et ont une température de fonction voisine de 70°C. Avec mon équipe, nous travaillons sur les piles à basse température (80°C) dont l’électrolyte est une membrane polymère ; ce sont les PEMFC. Les piles dites PAFC utilisent de l’acide phosphorique et fonctionnent entre 150°C et 200°C. Les MCFC ont un électrolyte à base de carbonates fondus (600-700°C). Enfin, celles dont la température est la plus élevée — jusqu’à 1000 °C — utilisent un oxyde solide (SOFC), à savoir un électrolyte céramique.

Leur principe de fonctionnement est le même, mais elles n’ont pas les mêmes problématiques. La température influence le choix des matériaux de chaque technologie, mais aussi leur contexte d’utilisation. Par exemple, les SOFC mettent du temps avant d’atteindre leur température de fonctionnement et n’ont donc pas de performance optimale au démarrage. Si une application nécessite une réponse rapide, il faut alors favoriser l’utilisation de technologies à basse température. Dans l’ensemble, les PEMFC sont les plus développées.

À quels défis techniques la recherche sur les piles à combustible est-elle confrontée ?

CB : L’objectif est toujours d’améliorer les performances à savoir le rendement de conversion et la durée de vie, tout en diminuant les coûts.

Dans le cas des PEMFC, sur lesquelles nous travaillons, il convient de diminuer la quantité de platine nécessaire aux réactions d’oxydoréduction. Limiter la dégradation du support de catalyseur est un autre enjeu. Nous développons pour cela de nouveaux supports à base d’aérogels de carbone ou d’oxydes métalliques dopés, présentant une meilleure résistance à la corrosion dans les conditions de fonctionnement. Ils permettent aussi une meilleure alimentation en gaz – hydrogène et surtout en air – au sein des électrodes. Nous avons également récemment initié des recherches sur les catalyseurs sans platine afin de totalement s’affranchir de ce matériau cher.

Un autre défi est le refroidissement. Pour valoriser plus efficacement la chaleur produite ou réduire les contraintes liées au refroidissement dans le secteur de la mobilité, une option est de pouvoir augmenter la température de fonctionnement des PEMFC. Le talon d’Achille ici est la membrane. Nous travaillons dans cette optique au développement de nouvelles membranes composites.

Le chemin à parcourir pour les SOFC est inversé. Grâce à leur température de fonctionnement beaucoup plus élevée, il y a moins de pertes cinétiques au niveau des électrodes et donc pas besoin de catalyseurs coûteux. Par contre, les fortes contraintes de compatibilité thermomécaniques limitent le choix des matériaux constitutifs des SOFC. Les travaux ont donc pour objectif d’abaisser la  température de fonctionnement des SOFC.

Où trouvons-nous ces piles aujourd’hui ?

CB : Les PEMFC sont les plus répandues et commercialisées, majoritairement dans le secteur de la mobilité. Les véhicules à pile à combustible proposés par Hyundai ou Toyota par exemple, embarquent une pile d’environ 120 kW. L’électricité est produite à bord par la pile à combustible hybridée à une batterie. Cette dernière permet de préserver la pile à combustible lors d’accélérations fortes. En effet, bien qu’elle soit capable de fournir rapidement l’énergie demandée, cette phase de conduite accélère la dégradation des matériaux du cœur de pile. Les piles à combustible peuvent également être utilisées comme prolongateur d’autonomie comme l’a initialement développé SYMBIO pour les véhicules électriques de Renault. Cette fois-ci, l’hydrogène prend le relais lorsque la batterie faiblit. La pile à combustible peut alors recharger la batterie ou alimenter le moteur électrique.

Autre exemple de commercialisation : la micro-cogénération permettant de valoriser l’électricité et la chaleur produites par la pile. Au Japon, le programme Ene Farm, lancé en 2009, a permis de commercialiser des dizaines de milliers de systèmes à cogénération pour l’habitat, construits autour de stack PEMFC ou SOFC d’une puissance d’environ 700 W.

Vous parlez de détérioration des matériaux et de préservation des piles à combustible à l’usage : qu’en est-il de leur durée de vie ?

CB : La durée de vie est essentiellement impactée par la stabilité des matériaux, notamment ceux que l’on trouve dans les électrodes ou qui composent la membrane. L’environnement très oxydant de la cathode peut conduire à la dégradation des électrodes et indirectement des membranes. La base en carbone des électrodes des PEMFC a notamment tendance à s’oxyder à la cathode. Le platine déposé en surface peut alors se détacher, s’agglomérer, ou migrer vers la membrane au point de la dégrader. À terme, l’objectif visé pour les véhicules est de 5 000 heures de fonctionnement et de 50 000 heures pour les applications stationnaires. Nous devons être aux deux tiers de cet objectif actuellement.

À lire sur I’MTech : Hydrogène : les difficultés de transport et de stockage

Quelles sont les perspectives pour les piles à combustible maintenant que l’hydrogène bénéficie d’un soutien d’investissements ?

CB : Les applications au service de la mobilité sont toujours au cœur de la thématique. L’intérêt se déplace vers les véhicules lourds (bus, trains, avions légers, bateaux) pour lesquels le service peut difficilement être rendu par les batteries. Le train à hydrogène iLint d’Alstom est à l’essai en Allemagne. L’aéronautique mène également des tests sur des petits avions, mais les gros-porteurs à hydrogène ne sont pas pour demain. Les piles PEMFC ont l’avantage de présenter une large gamme de puissance permettant de répondre aux besoins des différents usages des applications mobiles (ordinateur, téléphone, etc.)  à l’industrie.

Enfin, difficile de parler de pile à combustible sans parler de production d’hydrogène. Il en est beaucoup question aussi comme moyen de stockage des énergies renouvelables. Pour cela, c’est le procédé inverse de celui mis en œuvre dans la pile qui est utilisé : l’électrolyse. Ici l’eau est dissociée en hydrogène et oxygène par l’application d’une tension entre les deux électrodes.

Dans l’ensemble, il faut garder en tête que le déploiement des piles à combustible n’a de sens que si la méthode de production d’hydrogène a une faible empreinte carbone. C’est là un des enjeux de taille de la filière aujourd’hui.

Propos recueillis par Anaïs Culot.

Pour aller plus loin sur la pile à combustible :

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