Chaire AI-4-Child : des outils innovants pour lutter contre la paralysie cérébrale de l’enfant

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En liaison avec le GIS BeAChild, l’équipe AI-4-Child se consacre à l’analyse, grâce à l’intelligence artificielle, des images liées à la paralysie cérébrale de l’enfant. En perspective, de meilleurs diagnostics, des thérapies innovantes et des progrès dans la rééducation des patients. Mais aussi un véritable bouleversement en matière d’imagerie médicale.

La version originale de cet article a été publiée sur le site d’IMT Atlantique, dans la rubrique Actualités

Près de 2 nouveau-nés sur 1.000 en sont atteints : la paralysie cérébrale est la première cause de handicap moteur chez l’enfant. Et elle est irréversible… C’est à cette maladie redoutable que se consacre la chaire AI-4-Child, pilotée par IMT Atlantique et le CHRU de Brest. Elle utilise pour cela l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond, qui pourraient, à terme, bouleverser le domaine de l’imagerie médicale.

« La paralysie cérébrale découle d’une lésion du cerveau qui intervient autour de la naissance, explique François Rousseau, le responsable de la chaire, professeur à IMT Atlantique et chercheur au Laboratoire de Traitement de l’Information Médicale (LaTIM,  unité INSERM). Les causes peuvent en être multiples – la prématurité ou un AVC in utero, par exemple. Cette lésion, d’importance variable, n’est pas évolutive. Le handicap qui en résulte peut être plus ou moins sévère : certains enfants doivent se déplacer en fauteuil roulant, d’autres peuvent garder une certaine autonomie. »

Créée en 2020, AI-4-Child regroupe des ingénieurs et des médecins. Fruit d’un appel à projets « intelligence artificielle » de l’Agence nationale de la recherche (ANR), elle opère en partenariat avec l’entreprise Philips et la Fondation Ildys pour le handicap, et bénéficie de soutiens variés (Région Bretagne, Brest Métropole…). Au total, la chaire dispose ainsi d’une enveloppe d’environ 1 million d’euros, pour une durée de cinq ans.

 

Chaire AI-4-Child, François Rousseau
François Rousseau, professeur à IMT Atlantique et responsable de la chaire AI-4-Child

Des centaines d’enfants suivis à Brest

AI-4-Child travaille en liaison étroite avec BeAChild*, premier Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) français dédié à la réadaptation pédiatrique, dirigé par Sylvain Brochard, professeur de médecine physique et de réadaptation (MPR). Les deux structures sont liées au LaTIM (INSERM UMR 1101), hébergé au sein du CHRU de Brest. L’équipe BeAChild joue elle aussi largement la carte de l’interdisciplinarité : elle réunit ingénieurs, médecins, pédiatres et kinésithérapeutes, ainsi que des psychologues.

Des centaines d’enfants, venus de toute la France et même de plusieurs pays d’Europe, sont suivis au CHRU et sur Ty Yann (Fondation Ildys). En regroupant sur un même site toutes les « parties prenantes » – patients et familles, professionnels de santé et spécialistes de l’imagerie – Brest offre une approche très innovante, qui en a fait un centre de référence pour l’évaluation et le traitement de la paralysie cérébrale. De quoi lui permettre, par la suite, de développer de nouvelles thérapies pour améliorer l’autonomie des enfants, et de concevoir des applications spécifiques dédiées à leur rééducation.

« Dans ce contexte, la mission de la chaire consiste à analyser, via l’intelligence artificielle, l’imagerie et les signaux obtenus par IRM, l’analyse du mouvement ou par électro-encéphalogramme », indique François Rousseau. Ces observations peuvent être effectuées dès le stade du fœtus ou durant les premières années de l’enfant. La chaire planche ainsi sur les images du cerveau (emplacement de la lésion, compensation éventuelle par l’autre hémisphère, lien avec le handicap constaté…), mais aussi sur des images du système neuro-musculo-squelettique, obtenues grâce à l’IRM dynamique, et qui aident à comprendre ce qui se passe à l’intérieur des articulations.

« Reconstruire » les images défaillantes grâce à l’IA

Mais ce travail d’imagerie s’avère complexe. Principal écueil : la piètre qualité des images recueillies, pour cause de bougé ou d’artefact lors de la prise de vue. Aussi la chaire s’efforce-t-elle de les « reconstruire », en faisant appel à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage profond. « Nous nous appuyons notamment sur des vues de bonne qualité issues d’autres bases de données, pour parvenir à une résolution satisfaisante », précise le chercheur. À terme, ces méthodes devraient pouvoir s’appliquer à des images de routine.

Déjà, des progrès notables ont été obtenus. Une doctorante étudie ainsi les images de la cheville obtenues en IRM dynamique et « enrichies », grâce à l’IA, par d’autres images, statiques celles-là, mais en très haute résolution. « Malgré une qualité de départ assez médiocre, nous arrivons à des vues correctes », constate François Rousseau. Des différences significatives entre les formes d’ossature de la cheville ont été observées selon les patients et sont en cours d’interprétation, avec les cliniciens. Il s’agira alors de mieux comprendre l’origine de ces déformations et de proposer des ajustements aux traitements envisagés (chirurgie, toxine,…).

Deuxième axe de travail de la chaire : la rééducation. Là encore, l’imagerie joue un rôle important : durant les stages de rééducation, la démarche des patients est en effet filmée à l’aide de caméras infrarouges et d’un système de capteurs et de plaques de force, au sein du laboratoire de mouvement du CHRU brestois. Les « signaux de marche » ainsi recueillis sont ensuite analysés via l’IA. Pour l’heure, l’équipe en est à la phase d’acquisition des données.

Plusieurs pistes de progrès

Problème, toutefois : il arrive fréquemment qu’un patient ne marche pas de la même façon durant le stage et quand il sort de l’hôpital. « Cela crée un biais très fort dans l’analyse, note François Rousseau. Nous devons donc vérifier la pertinence des données recueillies en milieu hospitalier… Et nous focaliser sur l’amélioration de la qualité de vie des patients, plutôt que sur la forme de leurs os. »

Autre difficulté : les jeux de données dont disposent les chercheurs se limitent à quelques dizaines d’images – alors que certaines applications d’IA en nécessitent plusieurs millions… Sans compter que ces données ne sont pas homogènes, et qu’en outre il existe des pertes… « Nous avons donc pris l’habitude de travailler avec peu de données, indique François Rousseau. Nous devons donc faire en sorte qu’elle soient de la meilleure qualité possible. » Il n’empêche : déjà, des progrès significatifs ont été constatés dans la rééducation. Certains enfants sont ainsi capables de faire du vélo, de lacer leurs chaussures, de s’alimenter de façon autonome…

Par la suite, l’équipe AI-4-Child prévoit d’avancer dans trois directions : sur l’amélioration des images du cerveau, sur l’observation des os et des articulations, et sur l’analyse du mouvement lui-même. D’autant qu’elle espère aussi disposer d’un plus grand nombre de données, grâce à un projet de collecte européen. François Rousseau se veut optimiste : « Grâce au traitement des données, nous pourrons peut-être mieux caractériser la pathologie, améliorer le diagnostic, et même identifier des facteurs prédictifs de la maladie. »

* BeAChild associe le CHRU de Brest, IMT Atlantique, la Fondation Ildys et l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). Créé en 2020 et officialisé en 2022 (Lire le communiqué de presse), le GIS concrétise une collaboration qui a débuté il y a une quinzaine d’années sur la thématique du handicap de l’enfant.

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