Comment évaluer les risques sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques ?

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CEM, champs électro-magnétiques

Partenaires du projet européen SEAWave, Télécom Paris et la chaire C2M développent des techniques de mesure innovantes pour répondre à l’inquiétude du public concernant les possibles effets des usages de la téléphonie mobile. Financé par l’UE à hauteur de 8 M€, le projet sera lancé en juin 2022 pour une durée de 3 ans. Entretien avec Joe Wiart, titulaire de la chaire C2M (Modélisation, caractérisation et maîtrise des expositions aux CEM).

Pouvez-vous rappeler dans quel contexte a été lancé l’appel à projets « Santé et exposition aux champs électromagnétiques (CEM) » du programme Horizon Europe ?

Joe Wiart – L’utilisation exponentielle d’appareils de communication sans fil s’accompagne, partout en Europe, d’une perception de risque liée au rayonnement électromagnétique, ceci en dépit des seuils de protection existants (recommandation 1999/519/CE et directive 2013/35/UE). Avec le déploiement de la 5G, ces préoccupations ont été renforcées. Le programme Horizon Europe va contribuer à répondre aux questions et inquiétudes. Il va étudier les impacts possibles sur des populations particulières telles que les enfants ou les travailleurs. Il va intensifier les études liées à l’utilisation des fréquences millimétriques et va investiguer les méthodes d’analyse de conformité dans ces gammes de fréquence. Le programme va également étudier l’évolution de l’exposition aux champs électromagnétiques ainsi que la contribution des niveaux d’exposition induits par la 5G et les nouvelles antennes à faisceaux variables. Il va également investiguer les outils pour mieux évaluer les risques, communiquer et répondre aux préoccupations

Quel est l’enjeu de SEAWave, l’un des quatre projets sélectionnés, dont Télécom Paris est partenaire ?

JW – À l’heure actuelle, de nombreux travaux, tels que ceux de l’ICNIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection), ont été menés pour évaluer la conformité des équipements radiofréquence aux seuils de protection. Ces travaux sont majoritairement basés sur des méthodes ou des modèles conservatifs. SEAWave va contribuer à ces approches pour l’exposition aux ondes millimétriques (études in vivo et in vitro). Ces approches, par construction, considèrent les pires cas et surestiment l’exposition. Dans le même temps, pour une meilleure maîtrise des impacts possibles, comme dans le cas des études épidémiologiques, et sans sous-estimer les approches conservatives, il est nécessaire d’évaluer l’exposition réelle. Les travaux menés dans le cadre de SEAWave s’attacheront à établir des schémas d’usage potentiellement nouveaux ainsi qu’à estimer les niveaux d’exposition associés, et à les comparer aux schémas existants. Les actions porteront sur la surveillance, à l’aide de technologies innovantes, non seulement de la population générale, mais aussi de groupes spécifiques à risque, tels que les enfants et les travailleurs.

Quelle est la contribution scientifique des chercheurs de Télécom Paris à ce projet qui comprend onze Work Packages (WP) ?

JW – La chaire C2M de Télécom Paris est impliquée dans les travaux de quatre WP interdépendants, et responsable du WP1 sur l’exposition aux CEM dans le cadre du déploiement de la 5G. Parmi les onze WP, quatre sont dédiés aux ondes millimétriques et aux études biomédicales ; quatre autres sont dédiés au suivi des niveaux d’exposition induits par la 5G. Les trois derniers sont dédiés au pilotage du projet mais aussi aux outils pour évaluer le risque et communiquer. Les chercheurs de Télécom Paris vont, pour l’essentiel, participer aux quatre WP dédiés au monitoring des niveaux d’exposition induits par la 5G. Ils s’appuieront sur des campagnes de mesures en Europe mais aussi sur des réseaux de capteurs connectés ainsi que sur les outils venant des réseaux de neurones artificiels et plus généralement des méthodes issues de l’intelligence artificielle.

Quels sont les verrous scientifiques à lever ?

JW – Pendant longtemps, l’évaluation des niveaux d’exposition et le monitoring se sont appuyés sur des méthodes déterministes. Avec la complexification des réseaux, comme ceux de la 5G, mais aussi avec la versatilité des usages, ces méthodes ont atteint leurs limites. Il est indispensable de construire de nouvelles approches basées sur l’étude des séries temporelles, sur les méthodes statistiques et des outils de l’intelligence artificielle appliqués à la dosimétrie des champs radiofréquence. Télécom Paris travaille depuis de nombreuses années dans ce domaine ; cette expertise va être essentielle pour lever les verrous auxquels SEAWave va être confronté.

Le consortium SEAWave compte une quinzaine de partenaires. Qui sont-ils et quelles sont vos collaborations ?

JW – Ces partenaires se classent en trois grandes catégories. La première est liée à l’ingénierie : outre Télécom Paris, on y trouve par exemple l’université Aristotle de Thessalonique (Grèce), Agenzia nazionale per le nuove tecnologie, l’energia e lo sviluppo economico sostenibile (Italie), Schmid & Partner Engineering AG (Suisse), Foundation for research on information technologies in society (IT’IS, Suisse), l’Institut de micro-électronique et composants (IMEC, Belgique), le CEA (France)… La seconde catégorie concerne les aspects biomédicaux, avec des partenaires comme IU Internationale Hochschule (Allemagne), le Centre hospitalier universitaire vaudois (Suisse), Fraunhofer-institut für toxikologie und experimentelle medizin (Allemagne). La dernière est dédiée à la gestion du risque. En font partie le Centre international de recherche sur le cancer (IARC, France), le Bundesamt für strahlenschutz (Allemagne) et l’Agence nationale des fréquences (ANFR, France).

Nous collaborations vont majoritairement être menées avec des partenaires tels que l’université Aristotle de Thessalonique, le CEA, IT’IS Foundation et l’IMEC, mais aussi avec l’IARC et l’ANFR.

Le projet s’achèvera en 2025. À terme, quels sont les résultats attendus ?

JW – D’abord des outils pour mieux maîtriser le risque et mieux évaluer les niveaux d’exposition induits par les réseaux de communication sans fil actuels et futurs. L’ensemble des mesures qui auront été réalisées donneront une bonne caractérisation des expositions pour des populations particulières (enfants, travailleurs) et poseront les bases d’une cartographie européenne des expositions radiofréquence.

Propos recueillis par Véronique Charlet

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